15 juillet 2008

Playa e Eurocopa en Cabo de Gata

Finalement, juin s'est jeté à l'eau. La fin du périple des exams de Maria est le prétexte de prendre le large. Encore les routes qui mènent vers le Sud, les taureaux en toc de Jamon, Jamon et les oliviers et le mal de terre dans les virages de la Sierra. La pause au milieu de nulle part à Jaen (l'occassion d'entonner la chanson qui me vit naître "Andaluces de Jaen /Aceituneros altivos/ Decidme en el alma..." Merci papa de m'avoir appris au berceau tous les tubes espagnols les plus ringards). 8 heures à regarder défiler les souvenirs, le sac rempli de chupas chups au coca-cola et Los delincuentes en fond sonore. On a harponné nos envies d'ailleurs sur Cabo de Gata, parc naturel de criques, de cactus et de far west, pas loin d'Almeria.

Une chape de chaleur nous accueille à la gare routière d'Almeria, une sensation de béton rendu aveugle par le soleil. Mais la brise marine, à peine perceptible, rappelle les promesses bientôt tenues de changer d'air. De quitter la pollution chaude de Madrid. 1 heure de plus dans le bus des vacanciers et des travailleurs des serres de plastique noire qui tapissent les vallées, et nous y sommes.

Dans la gare routière d'Almeria : tous les panneaux sont écrits en arabe et en français

San José, peuplé de hippies reconvertis et des quelques touristes qui inaugurent la saison d'été, est le tremplin vers les calas, les criques sauvages qui découpent le cap. On les rejoint à pied en longeant les hauteurs à pic du littoral ou à bord de la voiture d'Anna après une piste de poussière à travers un paysage sec de nouveau monde. Le plaisir immense des jours presque seule dans l'eau claire, dorée par la beauté qui émane des lieux. De vivre en suspension loin de presque tout.



Ah...les terrasses de l'auberge...


Cala (de "Calamitad", le chien d'Anna) qui contemple une cala (une crique)









Limonada con hierba buena


Presque car San José a la télé. Et vibre comme le reste du pays au son du foot. Le moment du Match avec un grand M, Allemagne- Espagne, la finale mythique de l'Eurocopa, c'était un repas au restaurant italien de San José, avec la télé branchée sur la Rai Uno. La serveuse avait invité ses copines à voir el partido au restaurant. 1 heure et demie de cris qui fusaient de tout le village à chaque but, à chaque action manquée et de répliques mémorables ("Rubio de bote, bigote morenote" ("Faux blond, moustache marron" scandé quand un joueur allemand s'approchait de la caméra). Et puis la danse de la victoire du village tout entier. Les gosses en bande dans des opérations commando "España! España es la caña/ Como España no hay niguna" (je vous épargne la suite). Les familles et les voisins à bord de 4x4 à ciel ouvert dans un concert de klaxons et de Viva España! avec haut parleur. Les trois touristes allemands de passage endeuillés dans leur drapeau, dépités sur la place centrale. Un air de France 98, en rouge et jaune.


25 juin 2008

Mayo del 68 y Fieston de Fin de Curso

Juin s'étire encore un peu mais il ne faut pas s'y méprendre. Papillon de nuit il sera bientôt happé par les feux de Juillet (note poétic lover pour toi Lili ;). Juin grillé (jeu de mot), c'est mon année Erasmus qui part en fumée. Fini le statut de celui qui fait semblant de rien comprendre et qui peut toujours reporter à demain ce qui pourrait être fait aujourd'hui. Adieu les doux balancements du paisible hamac où il faisait bon laisser le temps filer.

Nostalgique, on repense à l'appel du joli mois de Mai. Samosaguas s'était couverte de graffitis pour faire la fête al Mayo del 68. Ici aussi, le culte a fait rage. Des photos, des jeux de fléchette pour se payer la tête à DE GOOL (en français dans le texte), des slogans des murs de Paris traduits à l'espagnol. Des débats sur le thème "30-ans-après-qu'est-ce-qu'on-fait?". C'était drôle d'écouter le mythe s'ébattre entre les murs de ma fac, et de voir une jeunesse qui n'aura jamais eu de parents soixante-huitards le faire sien, à sa manière. Dommage qu'il n'y ait pas eu plutôt un hommage remuant à la Movida española des années 1980. Moi, j'aurais trouvé ça plus exotique.

Aux examens répond par des questions




Je suis un marxiste de la tendance de Groucho

Le Général sous le feu des fléchettes...


Je décrète l'Etat de Félicité permanente

Et puis la révolte d'hier a croisé celle d'aujourd'hui : la lutte des étudiants espagnols contre la "Plan Bolonia", l'adaptation dans la péninsule du Plan Européen sur l'Enseignement Supérieur. Honte sur moi, je ne peux pas en dire beaucoup plus. Je sais juste que c'est le passage au système Licence-Master-Doctorat, sauf que les Masters coûteront une fortune et que l'Etat espagnol prépare son désengagement dans l'Université à coup de budgets réduits et d'introduction de financements privés. Pour protester, l'occupation d'un amphi la nuit. Et le lendemain, les murs des bâtiments encore plus fous de couleurs et de mots, un jeu de l'oie géant tracé au sol, une toile de flèches pour aller de la case "apuntes" (prises de notes) à "no te apasiones" (pas de passion) en passant par "diploma, y qué?".

Mais le kärcher a sonné la fin de Mai 2008 à Samosaguas. Les murs repeints en blanc et les banderoles arrachées, le Doyen mettant à profit un vendredi (jour de désertion). Adieu Mayo del 2008, un tissu de messages nouveaux recouvrira bientôt les cloisons de l'Université. En attendant, Fieston de Fin de Curso (fête de fin des cours), botellon dans les couloirs de la fac pour se dire au revoir quand la fin de Mai pointe le bout de son nez. Les derniers souffles de l'année sur fond de musique jazzy et de tinto de Verano. Salut le parking de Samosaguas, salut les safaris de Casa de Campo. Au revoir le joyeux bordel qui règne ici. Et surtout merci.


L'imagination contre le pouvoir (plutôt que "l'imagination au pouvoir")



Fieston de fin de curso

Par respect pour les usagers de la bibliothèque, il n'est pas permis de jouer au ballon ni de mettre de la musique. Le Doyen.




10 juin 2008

Lisboa desde arriba

Le Dos de Mayo approchant, il était urgent de fuir. Fuir Madrid et les célébrations bruyantes du bicentenaire de cette date vénérée par les nationalistes espagnols. Celle du soulèvement contre l'affreux Bonaparte et ses sbires, du mythe de la Nation en armes contre l'ennemi français, de la liberté retrouvée une fois repoussées les troupes napoléoniennes.

Mais 200 ans après l'évènement, pourquoi se ruer sur le premier autobus (faute de mieux), me direz-vous ? Moi, peureuse ? Non, pas du tout. Juste prudente. Il y a un siècle de cela, on faisait la chasse aux français (los franchutes) dans la capitale pour se rémémorer le bon vieux temps le jour du 2 mai. Alors, des fois que cette heureuse coutume ferait partie du programme des réjouissances du bicentenaire, autant prendre les devants. Quitte à voyager 8 heures dans un bus et à se priver de feu d'artifices et de flonflon. Direction Lisboa, l'Atlantique et ses délices. En avant toute.

Lisboa dans ma tête, c'est un vertige de lumière, un nuage d'électrons jaunes pâles qui gravite autour des façades blanches et se mêle aux odeurs de la mer, l'infini qui me manquait dans ma capitale madrilène. Le plaisir de l'apnée, le volume sonore qui baisse tout d'un coup après les éclats de voix qui habitent Madrid. Et puis les tours de manèges des tram jaunes, remplis de touristes jusqu'à rabord, des visiteurs qui iraient jusqu'à se faire arracher le bras pour faire passer leur appareil photos par les petites fenêtres de bois. Et entendre le sussurement du portugais, comme un chuchotement venu des entrailles de la mer qui parcourt la ville toute entière.





C'est depuis les hauteurs que se mélangent le bleu pâle des cieux et le blanc lévitant, hésitant des nuages, que s'embrassent les toitures rosées et les méandres de la mer. Depuis les terrasses secrètes de Lisboa, depuis le perchoir érigé par un disciple de monseigneur Eiffel, les rues perpendiculaires feignent l'ordre géométriques, le calme retrouvé après le jour terrible qui vit la terre trembler. Mais il ne faut pas s'y fier, Lisboa est toute de courbes, de monts et de rondeurs. C'est la ville montagne russe.

Et j'y ai trouvé mon château sur l'eau. Pierres banches et vues panoramiques sur les alentours aquatiques.







Le périple de terrasses en terrasses s'est achevé sur les hauteurs de Sintra, plage verdoyante pas loin de la capitale, couverte de mômes et de leurs mères. Dernière terrasse sous un parasol racontée par le coup de crayon de Joaniña (desculpe pour l'orthographe). Obrigadisima pour tout, João e Joana !







17 avril 2008

Gran Hermano (Big Brother) - Dia 1

Mon frère (ce roi de l'incruste) en visite pontificale dans ma capitale :
son journal de bord...


L’avion se pose dans un grondement sourd sous les applaudissements des passagers. Faut être con pour applaudir un gars qui a quand même fait 10 ans d’études pour pouvoir poser convenablement 300 tonnes d’acier sur un tarmac ; à échelle réduite, pourquoi n’applaudirait-on pas le barman qui te sert ta bière sans mettre trop de mousse? Mais bon c’est une autre histoire, donc je n’applaudis pas, je me lève, file, enfile ma veste et sort du zinc. La chaleur est étourdissante, le soleil est resplendissant, il y a un groupe de gars bariolé jaune et rouge qui joue de la guitare en hurlant (barrez l’intrus), je suis à Madrid.

Je suis à Madrid, et ma petite soeur est en retard à la porte d’embarquement, elle ne me reconnaît pas derrière ma cravate, mon chapeau et mes cheveux courts et me supplie immédiatement de déchirer mes frusques en lambeaux : ses colocs sont des hippies qualifiés et ils vont me pendre haut et court au balcon avec le linge si je passe le seuil de l’appart avec une tronche de premier de la classe. Note pour plus tard : la prochaine fois, ne pas chercher à en jeter mais arriver en tongs et en short à fleurs en chantant du Patrick Sébastien, on verra bien la réaction.

On a beaucoup écrit sur les valeurs culturelles et sociologiques qui font les différentiations entre les peuples ; on a moins écrit sur la différence énorme du prix du ticket de métro entre Londres et Madrid et c’est pourtant dans une lueur épiphanique que Dieu m’apparaît face au distributeur pour un premier choc psychologique qui ne cessera d’animer mes réflexions quasi hystériques, dignes de Paris Hilton en mode soldes : “Oh-Mon-Dieu-Comme-C’est-Pas-Cher-Ici”.

Car oui, pas besoin de transpirer de l’ADN Rothschildien pour se déplacer dans le taxi du pauvre à Madrid mais la surprise ne s’arrête pas là (ben oui, sinon ça fait un peu court comme post ^^). Madrid, c’est grand, Madrid, c’est beau, mais surtout Madrid, c’est chaud. J’avais oublié l’existence des UV (ce qui me vaut par ailleurs un superbe bouton de fièvre sur la langue inférieure à l’heure actuelle, trophée permanent mieux qu’une carte postale mais beaucoup moins glam quand même). Et c’est dans la douce chaleur du soir que nous émergeons Puerta del Sol pour déambuler dans les quelques rues qui nous séparent de l’appartement de ma petite sœur chérie. Il y a du monde dans la rue, un type promène un cochon, les filles sont en T-shirt, des Roumains chantent Aux Champs Elysées…en roumain. Après Londres, la neige, les étudiantes fardées comme des péripatéticiennes (ou l’inverse on ne sait plus bien à force) et le froid, bordel, ça sent bon les vacances.

L’appart est grand, la piaule est sympa, les couleurs sont chatoyantes, il y a du linge étendue sur les terrasses (et-c’est-joli !!! ajoute le fan de Michel Fugain), le chat ajoute l’authenticité méditerranéenne au tableau. C’est beau, pour un peu, on entendrait Charles Ingels couper du bois au loin…Javi est sympa et bref (qualité ô combien appréciable qui ne sera jamais la mienne), María est sympa, mais volubile, mais elle parle beaucoup et vite quand même, c’est dur à suivre.

Je mange du jambon qui ne ressemble pas à du plastique dans du pain non chimique, pour un peu j’en chialerais, je comprend enfin la pub avec un gars qui se paye un caccos Cœur de LionTM sitôt sorti de taule, l’Angleterre est le Fleury-Mérogis de la bonne bouffe. Sortie, Déambulations nocturnes, Bar à Tapas belge (ils l’ont fait). C’est moins surfait et snobby que London, c’est plus familiale et décoré en meubles Conforama comme le salon de chez grand-mère, on se sent tout de suite à l’aise, pour un peu, on ferait péter les charentaises (une rime subtile s’est cachée dans la phrase précédente, sauras-tu la retrouver ?). Mais à l’âtre chaleureux, nous préférons la terrasse et sa vue sur la capitale pour tailler le bout de gras en bouffant des tapas à en exploser… Que c’est bon d’être loin de chez soi.

Face à la Calle Duque de Rivas...



3 avril 2008

Casting - del otro lado del espejo

Après avoir tant souffert de l'impitoyable sélection dans les collocations fin septembre (plus de 20 castings en quatre petits jours), je m'attendais à savourer ma victoire quand mon tour viendrait d'être de l'autre côte du miroir.

Un casting quand on est en recherche d'appartements à Madrid, ça ressemble un peu à du speed dating. Mais en moins drôle. D'abord, on passe tous ses moments libres sur internet à guetter les annonces de collocation. On actualise la page toutes les deux minutes sans flancher et on garde les yeux grand ouverts, à l'affût de l'Annonce qui peut nous intéresser, dans l'un des quartiers où on veut vivre, au prix que l'on peut payer. Attention cependant, une lecture attentive de l'annonce s'avère utile pour ne pas tomber dans les pièges comme "Pas d'étudiants", "Garçons uniquement", "Pas d'Erasmus", "Pas d'étranger" (inquiétant), "Pas de français" (dû au nombre écrasant d'Erasmus français à Madrid) ou encore "Gay only" - on trouve aussi "Pas d'homosexuels" (inquiétant).

Dans les trois minutes qui suivent la publication de l'annonce, il faut appeler sans relâche le numéro indiqué pour obtenir un rendez-vous. Une fois la "date" en poche et l'adresse précieusement conservée, on recommence le même processus jusqu'à l'heure du départ vers tous les rendez-vous qu'on a pu obtenir. Une pré selection, fonction de réflexes oeil-pouce, d'une endurance certaine et d'un forfait téléphonique à rallonge s'est alors opérée. Du speed dating au sens littéral du terme.

On arrive un peu en retard au rendez vous après s'être perdue dans le quartier, et on croise dans l'escalier le candidat précédent qui vient de visiter l'appartement. On sonne à la porte et là, on découvre un inconnu à qui on doit surtout sourire en ayant l'air décontracté. Il nous demande notre nom et il hoche la tête en jetant un coup d'oeil à la liste de tous les prétendants à la chambre promise. Quand on voit qu'on est le 6ème rendez-vous sur une liste de 20, on fait comme si de rien n'était et on respire calmement.

Le cérémonial se déroule en deux partie : la visite de l'appartement - la plupart du temps, la chambre à pourvoir est la plus petite, la moins éclairée, celle par qui sont passés tous les collocs rentrés dans l'appart avant d'emménager dans une chambre plus chouette au départ de l'un des leurs, un vrai jeu de chaises musicales - puis vient l'entretien avec le ou les collocs au grand complet. Un jeu de questions-réponses où il ne doit pas transparaître que c'est la 5ème fois de la journée qu'on raconte la même histoire. Et où, malheureusement, l'appel à l'interphone d'un autre candidat nous chasse de notre siège sans qu'on ait vraiment eu le temps de sympathiser avec les habitants de l'appartement. Aux questions classiques "Tu viens d'où ?" "Tu fais quoi ?", succèdent parfois d'autres plus inattendus "Tu aimes les chiens ?". Tellement on est désespérée, on finit presque toujours la visite en disant qu'on est très très intéressée par la chambre et on laisse son numéro en bas d'une liste.

Mathématiquement, on finit par trouver mais quand personne ne rappelle jamais, c'est un peu dur de poursuivre le parcours du combattant avec la légèreté du premier jour. Quand on en a vraiment marre, on se prend à rêver au moment où on sera sur le fauteuil d'en face, à noter les candidats et à poser les questions pièges.

Et puis ce jour est arrivé, après que Ruslan ait rejoint l'appart de sa copine. Et la revanche tant attendue ne ressemblait pas à la consécration. ça m'a plutôt fait remonter les angoisses d'il y a six mois. Un peu mal à l'aise, je me projetais en ceux qui venaient visiter. Je les interrogeais sur leurs galères d'appartements et ça me rappelait les miennes. Et le choix était difficile, parce qu'on pouvait pas vraiment les connaître après si peu de temps passé ensemble.

On a fini par trancher en faveur d'Andres, qui vient des Pyrénées et avec qui la vie à plusieurs se passe bien pour le moment. En plus, on a découvert (après son entrée dans l'appart je vous rassure) que ses parents avaient un vidéoclub et qu'il avait une imposante collection de DVD (intéressée, moi ?). Affaire à suivre.

Janis, la seule de l'appart à avoir échappé à l'épreuve du casting...



1 avril 2008

Dios es un bromista

Non pas que la Semaine Sainte m'ait donné la foi (plutôt une crise de foie) mais, en cette journée ponctuée d'humour, je voulais rendre hommage à l'humeur parfois blagueuse de Sa Sainteté et de ses émissaires. Le faste de la procession ne doit pas nous enduire d'erreur. Ainsi donc, Dieu est partout, même dans la bibliothèque de ma fac, comme en témoigne cet avertissement au dessus des photocopieuses :


En vieil espagnol :
"Sa Sainteté se réserve le droit d'excommunier
toute personne qui endommagerait
un livre, parchemin ou papier de cette bibliothèque
sans qu'elle puisse être absoute
jusqu'à ce que le document soit parfaitement restitué"



Vestige du passé ou complot des bibliothécaires ? Je n'ai pas encore osé demander. Toujours est-il qu'aujourd'hui plus qu'hier, Dios es un bromista. Et que ma fac cache bien son jeu derrière ses airs contestataires.

Promis, j'arrête de parler de Dieu dans mon prochain billet, ou alors je me fais nonne...

(poisson d'avril)


31 mars 2008

Semana Santa en Granada

J'ai peu de religion, et j'ai bien peur de pas vous apprendre grand chose sur la Semaine Sainte, à part que ça se finit toujours autour d'un oeuf de Pâques. Back in Granada, les 5 heures de bus depuis Madrid sont passés en un somme. Et puis cocooning dans la maison de Maria et de ses 4 frères, la journée rythmée par la sieste et les processions.

Une procession , c'est un cortège organisé par une confradia, une confrérie, un truc de mecs quoi. ça sort de l'église, jamais avant que le temps d'attente de la foule n'est dépassé une demie heure. Les pénitents ouvrent le bal, encapuchonnés de la tête aux pieds. Les enfants suivent souvent, habillés de soie et de fils d'argent. La cierge à la main, ils tracent le chemin dans la rue bondée de badauds et de fervents. Les têtes se dressent, on guette l'entrée en scène du jeune premier. Les figurants font patienter la foule, saluent leurs proches d'un geste de la main en espérant sagement l'ordre d'aller de l'avant.



Et l'attente devient insupportable, c'est le moment de pénitence de la curiosité des masses. Les murmures, comme les pieds des valeureux spectateurs, enflent au fil des minutes. Une muraille d'appareils photo prêts à mitrailler Sa venue barrent la vue à ceux qui ne sont pas aux premières loges. Quand la Divinité daigne pointer le bout de son nez, les cris d'encouragement ne se font pas attendre. Et puis Il se montre enfin aux yeux de ses adorateurs, qui lui font une ovation. Planté à la verticale sur sa croix, le visage muet de douleur, Il avance majestueusement, porté par ses serviteurs invisibles, agenouillés sous Son poids. Les cierges tremblent, un souffle caresse les fleurs qui parent les dorures.



Mettant fin aux vagues d'applaudissements, Il se fige aux portes de Son temple et la foule retient son souffle. Le bois sonne trois fois, et l'idole se redresse d'un coup, provoquant une nouvelle salve d'émotion sonore. Le Dieu est apparu et la musique peut débuter. Que résonnent les trompettes, que s'étire le rythme lancinant, que débute la marche. Le Dieu entre en danse.



Les cierges se dandinent à présent, en suivant les notes des chants à Sa gloire. Son trône fend la foule, qui s'empresse de le toucher avant qu'il ne soit happé par l'adoration d'autres spectateurs. Couvert de fleurs, Il passe, comme suspendu, et ses veuves s'alignent à sa suite. Alors, celui qui ne met jamais les pieds dans une Eglise au moment de l'office, celui qui a pu être touché quand l'idole s'est levée mais qui apprécie avec modération l'exhibition d'un corps crucifié ou en souffrances, celui-là peut s'en retourner faire la sieste ou aller prendre des cañas, si le sommeil ne vient pas tout de suite. Il a vu le meilleur du rituel et peut laisser les pérégrinations du Dieu dans la ville transie à ses fidèles adorateurs.


Pour voir le cortège en images, cliquez ici... J'ai aussi l'apparition du Dieu en stock mais le fichier se résiste à la diffusion sur internet de par sa taille. Une taquinerie céleste, sans doute.