31 mars 2008

Semana Santa en Granada

J'ai peu de religion, et j'ai bien peur de pas vous apprendre grand chose sur la Semaine Sainte, à part que ça se finit toujours autour d'un oeuf de Pâques. Back in Granada, les 5 heures de bus depuis Madrid sont passés en un somme. Et puis cocooning dans la maison de Maria et de ses 4 frères, la journée rythmée par la sieste et les processions.

Une procession , c'est un cortège organisé par une confradia, une confrérie, un truc de mecs quoi. ça sort de l'église, jamais avant que le temps d'attente de la foule n'est dépassé une demie heure. Les pénitents ouvrent le bal, encapuchonnés de la tête aux pieds. Les enfants suivent souvent, habillés de soie et de fils d'argent. La cierge à la main, ils tracent le chemin dans la rue bondée de badauds et de fervents. Les têtes se dressent, on guette l'entrée en scène du jeune premier. Les figurants font patienter la foule, saluent leurs proches d'un geste de la main en espérant sagement l'ordre d'aller de l'avant.



Et l'attente devient insupportable, c'est le moment de pénitence de la curiosité des masses. Les murmures, comme les pieds des valeureux spectateurs, enflent au fil des minutes. Une muraille d'appareils photo prêts à mitrailler Sa venue barrent la vue à ceux qui ne sont pas aux premières loges. Quand la Divinité daigne pointer le bout de son nez, les cris d'encouragement ne se font pas attendre. Et puis Il se montre enfin aux yeux de ses adorateurs, qui lui font une ovation. Planté à la verticale sur sa croix, le visage muet de douleur, Il avance majestueusement, porté par ses serviteurs invisibles, agenouillés sous Son poids. Les cierges tremblent, un souffle caresse les fleurs qui parent les dorures.



Mettant fin aux vagues d'applaudissements, Il se fige aux portes de Son temple et la foule retient son souffle. Le bois sonne trois fois, et l'idole se redresse d'un coup, provoquant une nouvelle salve d'émotion sonore. Le Dieu est apparu et la musique peut débuter. Que résonnent les trompettes, que s'étire le rythme lancinant, que débute la marche. Le Dieu entre en danse.



Les cierges se dandinent à présent, en suivant les notes des chants à Sa gloire. Son trône fend la foule, qui s'empresse de le toucher avant qu'il ne soit happé par l'adoration d'autres spectateurs. Couvert de fleurs, Il passe, comme suspendu, et ses veuves s'alignent à sa suite. Alors, celui qui ne met jamais les pieds dans une Eglise au moment de l'office, celui qui a pu être touché quand l'idole s'est levée mais qui apprécie avec modération l'exhibition d'un corps crucifié ou en souffrances, celui-là peut s'en retourner faire la sieste ou aller prendre des cañas, si le sommeil ne vient pas tout de suite. Il a vu le meilleur du rituel et peut laisser les pérégrinations du Dieu dans la ville transie à ses fidèles adorateurs.


Pour voir le cortège en images, cliquez ici... J'ai aussi l'apparition du Dieu en stock mais le fichier se résiste à la diffusion sur internet de par sa taille. Une taquinerie céleste, sans doute.

24 mars 2008

Mi facultad

Après des mois à vous parler des tapas et du beau temps, il est temps d'entrer dans les choses sérieuses. Ce à quoi j'occupe une partie des mes journées madrilènes, celle à qui je dois des sandwichs chorizo-calamares et des pauses bronzettes au mois de décembre, j'ai nommé ma fac (ou "facu" comme ils disent ici).

Nichée à la lisière d'une forêt dans la banlieue de Madrid, il faut la mériter ma faculté. On la rejoint en bus depuis Moncloa, Moncloa où presque toutes les autres faculté de mon université sont regroupées, profitant ainsi d'une localisation en presque-centre de la capitale. Pourquoi la mise au ban de la pauvre fac de sciences politiques ? La faute à Franco d'après la légende urbaine, la volonté de punir les pas sages, d'exiler les agitateurs possibles.

On se partage donc le campus de la forêt (Samosaguas de son vrai nom) avec les psychologues et les économistes, pourtant moins prompts à la manifestation que les sociologues, selon mes observations (je peux me tromper). Et puis on fait des safaris dans la steppe de Casa de Campo matin et soir pour rejoindre notre chère lieu d'études.

Le bâtiment est un grand rectangle de béton poétiquement posé derrière un parking. Une ancienne prison pour femmes, d'après la même légende urbaine. L'architecture en panoptikon - angle de vue total pour matons- contraste donc avec le joyeux bordel qui y règne. Des cellules occupées par des punks à crêtes, des anarchistes (autoproclamés) et leur stand de bonbons à la sortie de la cafét, par des appels à la manif, des assemblées sociales, des concerts improvisés dans les couloirs. Par des étudiants qui travaillent aussi, attention... mais ils sont tellement moins visibles que les gentils occupants des couloirs et leurs parties de foot.

On raconte qu'avant, la communauté des couloirs n'était pas seulement assignée aux lieux de passage. Elle avait son lieu à elle, La moqueta (La moquette), un bar entier qui lui était consacré, à l'intérieur de la faculté. Mais le Doyen a mis fin à cette enclave libertaire, et s'attache maintenant à faire respecter l'interdiction de fumer (sans succès). Sa dernière invention ? Interdire l'affichage sans autorisation préalable au sein du bâtiment. En plus d'obliger les femmes de ménage à racler les murs pour en ôter les autocollants, cette tentative d'autorité semble vouée à l'échec ; les murs du lieu sont maintenant incrustés par ceux qui y vivent, par leurs messages de lutte, leurs appels. Des slogans qui font partie de mon quotidien, scandés mentalement chaque matin à la sortie de l'autobus. Des mots usés, répétés par habitude, des appels à l'insurrection qui flirtent avec le conformisme, parfois. Des mots d'ordre, sincères aussi, des couleurs, des cris d'horreurs, des poèmes. Un tissu sanguin qui s'agrandit toujours, les poumons de ma facultad.

"Insoumission"


"Pas une rue, pas un quartier, pas un souffle pour les nazis"




"Cette faculté séquestre des objecteurs" (de concience, je suppose)

Salle sociale autogérée


Exclusion sociale ...prison

Non aux examens !

Défendre la joie...organiser la rage !